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3 défis du réemploi de matériaux dans le bâtiment par l’experte Elisabeth Gelot

En 2024, producteur et/ou détenteur d’un déchet en sont responsables. Ils sont tenus d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion. Cette responsabilité s’étend jusqu’à l’élimination ou la valorisation finale du déchet. Dans le bâtiment, cette règle devient essentielle dans la déconstruction sélective ou la réhabilitation.

Elisabeth Gelot Extrait vidéo Seuil Event 2023
Extrait vidéo Seuil Event 2023 – © GK Vision – Groupe Seuil


Le 10ème Seuil évent était consacré à l’économie circulaire et accueillait Elisabeth Gelot. Cette avocate associée en droit de l’économie circulaire, chez SKOV avocats a évoqué les responsabilités et les procédures des maîtres d’ouvrage. Pendant son intervention, elle a fait référence au code de l’environnement, à la loi Climat ainsi qu’à la loi AGEC.

Elisabeth est pionnière et actrice majeure de l’économie circulaire. Elle utilise le droit comme outil de protection de l’environnement et de santé des populations. Lors de son intervention, elle image avec ironie, le droit à une démarche « linéaire » qui se confronte à « l’économie circulaire ». C’est dans ce contexte, qu’elle fait appel à son expérience pour affirmer qu’il existe des centaines de solutions.

Seuil évent réemploi 2023
Seuil évent 2023 – © Origin Creative Agency – Groupe Seuil

Du point de vue juridique, elle identifie 3 défis dans le réemploi de matériaux dans le bâtiment. Ceux-ci sont détaillés selon trois niveaux de complexité croissante :

Niveau 01 : Extraire la ressource & prescrire le réemploi au stade de la déconstruction ou de la réhabilitation

Aujourd’hui, l’obligation relative au Code de l’environnement, de privilégier à chaque fois que possible le réemploi et les ressources locales pèse sur les maîtres d’ouvrage et les entreprises de travaux. 

Le diagnostic PEMD

Dans ce contexte, la loi AGEC renforce le diagnostic déchet avec le diagnostic PEMD (Produit équipements matériaux déchets). Ce diagnostic concerne toutes les déconstructions de plus de 1000m² et est obligatoire depuis l’été 2023. Il permet de déterminer la nature, la quantité et la localisation des matériaux et produits de construction. Le PEMD donne lieu à l’inventaire des ressources à réemployer ou des déchets à évacuer dans des filières adaptées.

Il est désormais nécessaire, d’organiser, caractériser, classifier et flécher les déchets et ressources vers les bonnes filières. Cet aiguillage engendre des impacts logistiques et économiques non négligeables, qu’il faut prendre en compte.

Pour réorganiser le réemploi, le diagnostic PEMD est un outil central qui identifie ce qui est réemployable.

Les précieux conseils d’Elisabeth Gelot

Pour aller plus loin, un diagnostic ressource étudie les aspects économiques et techniques poussés. Les maîtres d’ouvrages prescrivent les PEMD en amont de la passation des marchés de travaux. Ils peuvent être anticipés lors de la programmation et il est important de privilégier des diagnostics de qualité.

Elisabeth Gelot fait aussi référence aux opérateurs qui doivent, conformément à la loi, vérifier le bon tri des matériaux. Et notamment ceux qui sont dangereux, dans le but de trier les matériaux réemployables, des déchets. L’administration cherche à s’assurer que des matériaux dangereux, comme l’amiante ne se retrouvent pas dans une recyclerie. 

Elisabeth Gelot conseille également, de faire réaliser des fiches de traçabilité. Elles permettent de vérifier la bonne gestion des matériaux / équipements et leurs destinations.

Dans le cadre de marché public, elle identifie un point de vigilance sur le code général de la commande public. Et rajoute qu’une attention est également requise sur les procédures et conditions à respecter.

Plusieurs cas sont envisagés pour réemployer un matériau ou un équipement

  • Soit, ces matériaux et/ou équipements sont cédés via un marché de travaux avec un lot dédié. Ce lot, parfois nommé lot 0, lot 1 ou lot réemploi, est confié à un acteur spécialisé ou une entreprise. Ceux-ci vont déposer, transformer puis stocker les matériaux et équipements réemployables. Il faut, également, tenir compte des règles fiscales qui s’appliquent pour bien gérer la TVA et éviter toute jurisprudence.
  • Soit, le maître d’ouvrage les cède directement. Il est alors soumis à diverses responsabilités telles que la garantie des vices cachés ou la délivrance conforme.
  • Soit, le maître d’ouvrage peut confier à un AMO réemploi un mandat de cession. Il pourra gérer les cessions directement sur le chantier, via des contrats de cession.

À retenir

Il est fondamental de mettre en place des clauses sociales et de faire des lots réservés. Et ce, dès le stade de la déconstruction sélective. Cela encourage le développement de ces pratiques par des acteurs de l’ESS.

Elisabeth Gelot mobilise les maîtres d’ouvrage à ne pas appliquer de pénalités trop fortes. C’est une manière, de renforcer la mobilisation des prestataires et éviter de les rebuter. En effet, des aléas dans le réemploi sont fréquents et sont rarement imputables aux entreprises ou aux acteurs spécialisés.

Niveau 02 : Utiliser la ressource & prescrire la réintégration de matériaux sur des projets neufs ou de réhabilitation

« Il est fondamental que les maitres d’ouvrage publics se préparent dès maintenant au réemploi, car d’ici 2026, la loi Climat aura des spécifications, des conditions d’exécution et des critères environnementaux très exigeants »

Elisabeth Gelot

Elisabeth Gelot introduit le second niveau de difficulté dans l’utilisation des ressources. Cette étape se complexifie par les exigences des assureurs, des bureaux de contrôle et l’obligation des maîtres d’ouvrage à réemployer. Ces derniers soumis à la commande publique, doivent recourir obligatoirement aux matériaux de réemploi. 

Les assureurs & les bureaux de contrôle

Le principal frein est assurantiel. En effet, la plupart des assureurs ne considèrent pas le réemploi comme une technique courante de la construction. L’absence de fabricant et donc de garantie complexifie les répartitions de responsabilités.

Le bureau de contrôle peut étendre sa mission et donner son accord sur un process de requalification technique. Il confirme les performances techniques proposées par la maîtrise d’œuvre ou les entreprises. Parfois, cette requalification nécessite de passer un marché complémentaire. Notamment, pour aller plus loin dans la validation grâce à des essais en laboratoire. 

Vis-à-vis des chaînes d’approvisionnement :

  • Soit l’entreprise de travaux fournit les matériaux de réemploi en répondant aux objectifs fixés.
  • Soit un lot dédié prend en charge la fourniture et l’approvisionnement du réemploi. Elisabeth Gelot précise que les entreprises de travaux n’apprécient pas toujours cette solution. Car elles perdent la fourniture et doivent gérer des matériaux qu’elles n’ont pas fourni.
  • Soit la fourniture est assurée par le maître d’ouvrage.

Le réemploi pour des bâtiments bas carbone

Le réemploi est une belle opportunité et notamment pour la construction en neuf pour décarboner la construction. C’est pour ça que la RE2020 favorise très significativement le réemploi. Et considère comme nuls les impacts carbones des matériaux réemployés.

Rendre opérationnel le réemploi

Elisabeth décrit la nécessité d’un cadre facilitant la gestion des aléas impliqués par le réemploi. Malgré les moyens mis en œuvre, une dépose sélective n’atteint pas forcément les résultats escomptés. De même, les ressources issues de déconstructions prennent quelques fois trop de temps. Des clauses de réexamen, bordereaux de prix unitaires, fiches de travaux modificatifs encadrent les substitutions en neuf.

Outre les aspects assurantiels et logistiques, les institutions publiques cèdent avec une très grande complexité leurs matériaux. La publication d’appels à manifestation d’intérêt notamment à destination des associations facilite ces cessions. Ainsi que l’émergence de projets intégrant du réemploi.

Niveau 03 : Organiser la ressource et structurer la filière du réemploi à l’échelle du territoire

Elisabeth expose le dernier niveau de complexité. Elle témoigne de la difficulté de structurer les filières de réemploi à l’échelle territoriale. Ce dernier niveau de challenge est essentiel à la massification. Il nécessite la création de solutions physiques et numériques, de relations partenariales, de méthodes communes, etc…

Le PLU comme levier de l’économie circulaire

La dirigeante de SKOV avocat décrit la structuration nécessaire et urgente des filières en développement. Pour aider à lever les complexités multiples, elle invite les politiques publiques à se mobiliser. Elisabeth Gelot leur suggère d’intégrer le réemploi dans leurs outils de planification. Elle fait ainsi référence aux PLU et aux plans de gestion des déchets.

Elle suggère que les ZAC sont des terrains idéaux pour structurer l’offre et la demande de l’économie circulaire. Ainsi, elle se réjouit que des PLU intègrent ces obligations d’économie circulaire dans les projets.

Enfin, Elisabeth Gelot conclut sur la contrainte de trouver du foncier pour les plateformes physiques. Ces plateformes devraient s’installer dans les densités urbaines là où se trouve la matière, bien que le foncier y soit cher.


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