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Portrait de Gilles Clément “jardinier terroriste”

© Origin Créative- Gilles Clément lors du 10ème Seuil Event

Gilles Clément est un ingénieur horticole, paysagiste. Il est également ancien professeur de l’Ecole Nationale du Paysage de Versailles, entomologiste et écrivain.

Il se définit surtout comme « jardinier » et depuis juin 2023 comme un « terroriste ».

« Ceux qui protègent le Vivant sur la planète font peur à ceux qui sont dans la névrose de la consommation et qui tuent tout »

Gilles Clément lors du Seuil Event

La rencontre avec Gilles a eu lieu lors du 10ème Seuil évent consacré à l’économie circulaire en septembre 2023.

Le thème de l’événement « Du bâtiment au jardin, créons avec le déjà-là » a permis d’échanger sur sa vision unique. 

Le jardin vivrier

Gilles Clément aime mettre les mains dans la terre, en faisant cela, il s’en nourrit et créé avec le vivant un dialogue permanent. C’est pourquoi il fait du « paysage » et pas du « paysagisme » qu’il renvoie aux constructions artificielles (béton, bois, éclairages, arrosage).

Pour lui, les interrelations avec le vivant sont les seules à être vraiment utiles.

Il aborde le thème du jardin vivrier comme un préalable. Et rappelle l’importance de se nourrir pour éviter l’acte d’achat, comme le font les producteurs vivriers dans la Creuse. 

Selon Gilles Clément « La Creuse est un jardin », un terreau de recherche et d’expérimentation du vivant exceptionnel. Son jardin de Crozant est lui aussi un lieu d’observation majeur.

© Origin Créative – Gilles Clément évoquant les jardins vivriers

Le réemploi

Gilles Clément envisage le réemploi à une échelle artisanale. Très tôt, il récupère des pierres de schistes, de grandes dalles et des pierres brutes abandonnées pour construire sa maison. Dès les années 70, il est stupéfait que ces matériaux vernaculaires soient remplacés par du parpaing et du béton. 

Pour étayer sa vision du monde et de ses richesses, il décrit une anecdote sur le design particulier de son escalier. Son menuisier intérieur ne sait pas lui faire son escalier, compte tenu de l’espace trop exigu dont il dispose.

Gilles Clément finit par se résoudre à aller chercher une branche en forêt pour réaliser lui-même le limon. En cherchant une branche dans les arbres, la tête en l’air, il finit par tomber sur une branche de châtaignier. Cette branche est parfaite, il n’a plus qu’à la ramasser et mettre en œuvre les marches.

© Gilles Clément – Escalier de sa maison à Crozant dans La Creuse

Au-delà du réemploi de matériaux, la réutilisation d’espaces a également nourri son travail.

En concevant son premier jardin issu du concept du « Tiers-Paysage », Gilles Clément voit en la base de Saint-Nazaire « un lieu de résistance », « Le Bois des Trembles », « Le Jardin des Euphorbes » et « Le Jardin des Étiquettes » sont tous les trois situés sur le toit de la base sous-marine.

Le béton poreaux qui créé des failles d’eau et le canal participent à la réussite de ce jardin atypique.  

« Peut-on accepter dans un lieu de réemploi militaire qu’il y ait des fuites ? »

Gilles Clément lors du Seuil Event

Autre projet, le parc Matisse répartit sur 8 hectares.

Situé au pied de la gare Euralille, ce parc sur le principe du jardin en mouvement démontre que le paysage n’est pas figé.

Ainsi, le jardin évolue au rythme du vagabondage des plantes. Et les espaces sauvages développent une gestion écologique des espaces verts.

La pièce maîtresse de ce jardin est le socle démesuré issu des excavations de la construction d’Euralille. Gilles Clément, qui ne cesse de surprendre, souhaite que les arbres plantés à son insu au pied de ce socle soient coupés au plus vite.

L’économie de la non-dépense

Pour lutter contre une loi qui empêche l’accès à la gratuité, Gilles Clément a imaginé un « jardin de résistance ». Cette loi d’orientation agricole de 2007 interdisait l’usage des PNPP (Produits Naturels Peu Préoccupants).

Ce « Jardin d’eau – jardin d’ortie » est taillé pour que le public puisse le traverser. Réalisé pour la Biennale d’Art contemporain de Melle, il répond à cette situation inacceptable.

Du purin d’ortie est offert au public, lui qui renforce l’immunité des végétaux et évite le recours aux traitements chimiques.

Autre point de tension de « jardinier-terroriste », une plante est heureuse de vivre là où elle est, alors pourquoi ne pas la garder. 

« C’est invraisemblable que des textes nous obligent à utiliser une liste de plantes prétendument locales, car rien n’a jamais été local ! Les chênes ne sont pas de chez nous, ils sont arrivés il y a 10 000 ans, tout change tout le temps »

Gilles Clément lors du Seuil Event

L’eau

Dernier thème abordé dans le cadre de son intervention, Gilles Clément aborde la question de l’eau. 

Lors d’une visite sur le relief du Mont Gerbier-de-Jonc, Gilles Clément aperçoit des gouttes d’eau perler en pleine période de sécheresse. Il s’interroge alors sur cette cheminée volcanique et conclut que le Mont Gerbier-de-Jonc agit comme une tour à eau.

Pour rendre visible ce principe, Gilles Clément imagine en 2017 une Tour à eau construite en phonolithes, la roche volcanique présente au Gerbier. Sa forme évoque un phare dont le cœur est une colonne creuse. 

L’eau se condense sur ses parois extérieures et se dirige vers le creux de la Tour. Basé sur les dessins de Gilles Clément, le chantier en pierres sèches est conduit par Bernard Maingard, artisan du patrimoine et par l’association Elips à Chirols. 

La rencontre avec Gilles Clément est une véritable fête. Ce paysagiste hors pair est une source d’influence pour le Groupe Seuil depuis 1998. Année de la sortie de son livre « Les Portes », dont le terme « Seuil » est un héritage

« Quand on franchit une porte, on rentre dans un autre monde, c’est très important la notion du seuil »

Gilles Clément lors du Seuil Event


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